« Poursuivant son projet de fédérer artistes et artisans dans des productions collaboratives par lesquelles chacun repense sa pratique, LAB met entre les mains de sept artistes une pièce de bois de cèdre (2000 x 145 x 90 mm) comme support pour recueillir leur réponse à POST– .

Jean Noël Robic, ébéniste et sculpteur sur bois installé dans le Morbihan, sera chargé des réalisations.»

 

Dossier de presse-exposition Post-

 

 

Dans le contexte de 1) la réflexion sur le temps présent, proposé par le projet POST-, avec 2) l’association à un artisan sculpteur ébéniste sur 3) un matériau noble (et naturel), il m’est apparu d’emblée hors de propos de chercher la création de formes abstraites ou qui cherche à appeler un regard esthétique. Non plus, sans aucune compétence pour cela, je ne pouvais composer du mobilier ou d’objet utilitaire.

L’idée que Jean-Noël Robic sculpte ses propres outils, les façonne, en fasse une représentation s’est vite imposée à moi. En étant associé avec un artisan pétri d’un savoir faire immense, et réfléchissant sur les valeurs actuelles, c’était une évidence que le Travail (Activité humaine exigeant un effort soutenu…) serait le sujet de cette réalisation. La notion de travail n’est elle pas toujours mise à l’épreuve, aussi  bien à l’échelle individuelle que mondiale ? Le travail instaure un statut, positionne et définit l’Individu par rapport à lui-même et à la société. Mais celui-ci (l’individu) est le plus souvent évoqué précisément comme celui qui manque de travail. Quand il pèse dans l’économie, le travail rime avec reconnaissance mais seulement via le rendement, il se marie alors volontiers avec l’industrie et annihile l’individu (celui qui a du travail) qui n’est plus qu’un outil dans le système économique global. Il n’apparait que trop rarement un intérêt (médiatique, politique…) pour le travail en tant que savoir faire. Si dans les discours  il y a préoccupation sur les formations professionnelles et la nécessité d’apprendre un métier, cela est associé à l’assurance d’un avenir personnel économique viable (pas forcément radieux) et à la fierté de jouer un rôle dans un ensemble plus vaste de son entreprise, son secteur, son pays…

Si l’homme sait fabriquer des outils, et produire ce que la nature n’offre pas directement, des outils machines qui remplacent la main, des machines qui remplacent l’homme lui-même… ; « Ce que sait la main » ne se délite t-il pas au fil des générations et du progrès ? N’est il pas pourtant le propre de l’homme, un des fondements de l’humanité que de prolonger sa main d’un outil pensé et fabriqué pour agir sur et avec le monde (valorisant, soulignant ainsi sa présence au monde)? Que reste t-il alors de l’intelligence originelle de l’homme, de ce qui lui est propre, de son épanouissement?

S’il s’agit de penser la fin d’une ère et son après,  je propose par cette réalisation/sculpture de construire une fiction autour du progrès des techniques. Si celui-ci était au service de l’homme et non l’inverse ? Si le progrès était de savoir arrêter l’évolution à un certain seuil ? Si c’était envisager le travail, le savoir faire, l’intelligence de la main  comme perfection ? Perfection d’équilibre entre l’homme et son environnement, son environnement naturel, son propre corps et dans l’altérité.

Cette réalisation est certes un hommage au talent artisanal du sculpteur menuisier ébéniste en forme d’autoportrait (ses outils sont un peu de lui-même et réciproquement).  Cependant, le titre, Post-homo faber, interroge l’avenir avec crainte : des outils en bois, évocation tautologique des originaux, ne sont ils pas finalement les images fragiles d’une pratique tout aussi fragilisée. Alors ?! Pratique désuète condamnée à tourner en rond sinon court, ou nouvelle façon de penser la modernité avec l’utopie d’un monde toujours meilleur, et pourtant humble?

 

K.OULD